
LE CHERCHEUR DU MOIS
« Le chercheur du mois » est une tribune que le Réseau Africain d’Analyse du Discours (R2AD) met à la disposition de ses membres. Cette rubrique fait la promotion des acteurs, chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants menant des recherches dans le domaine de l’Analyse du Discours en/sur l’Afrique. « LE CHERCHEUR DU MOIS » est la plateforme de valorisation et de promotion de leurs recherches, de leurs productions et de leurs parcours.
Pour ce numéro, qui poursuit la série des promus à la précédente session du concours du CAMES, nous recevons M. Ibrahima BA, Enseignant-chercheur, Maître-assistant, spécialiste d’Analyse du Discours à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, au Sénégal. Entretien.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : présentez vous à nos membres et sympathisants s’il vous plaît. Votre biographie en quelques lignes ?
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : Je ne saurai entamer cette interview sans au préalable remercier la cellule communication du R2AD qui m’a offert l’opportunité de m’exprimer dans ce cadre de valorisation des connaissances et des projets scientifiques.
Pour répondre à votre question, je dirai que je suis Ibrahima BA, enseignant-chercheur à l’université Ceikh Anta DIOP recruté en 2019 au Département des Sciences du Langage comme spécialiste en Analyse du discours. Je suis membre du Laboratoire Sociolinguistique, Linguistique, Didactique des Langues en Afrique (SOLDILAF) de l’Ecole Doctorale Arts, Cultures et Civilisation (ARCIV) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar ; Vice responsable de la cellule expertise du Réseau Africain d’Analyse du Discours (R2AD) ; membre du Centre de Recherche sur les Innovations Sociales (CRISES) de l’Université de Sherbrooke (Canada) et membre de l’association des écrivains en langues locales du Sénégal. Mes axes de recherche sont : analyse du discours : outils théoriques et pratiques, discours et enjeu sociétal, culture et discours, et codes culturels et interprétation de l’image.
J’ai fait mes premières expériences dans l’Enseignement supérieur à l’université Assane Seck de Ziguinchor en qualité de vacataire en Analyse du Discours et en Sémiotique de 2015 à 2019. Après mon recrutement à l’Université Cheikh Anta DIOP en 2019, l’université Assane Seck a bien voulu maintenir notre collaboration en m’accordant chaque année une mission d’enseignement pour y dispenser des cours en master 1 et en master 2 .
Notons également que depuis 2012, je travaille avec les écrivains en langues locales dans la transcription et la traduction des textes. Par reconnaissance, l’occasion m’a été offerte de rédiger le discours d’ouverture de la 7ème édition du Festival de poésie de Saint-Louis qui s’est déroulé l’Institut français, le 18 mai 2017.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : Décrivez-nous votre parcours et parlez-nous de votre implication au sein du Réseau Africain d’Analyse du Discours (R2AD) ?
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : Je suis titulaire d’un certificat de maîtrise en Lettres modernes et d’un master en Sciences du langage. J’ai soutenu une thèse de Doctorat Unique intitulée Système Verbal : analyse textuelle et énonciative sanctionnée d’une mention très Honorable avec Félicitations sous la direction du professeur Momar CISSE (Sénégal) et de la Professeure agrégée Karine Collette de l’université de Sherbrooke (Canada). Bien avant mon recrutement à l’université Cheikh Anta Diop, j’ai exercé pendant 16 ans dans l’enseignement secondaire en qualité de professeur de Lettres modernes.
Mon implication au sein du R2AD s’est fait progressivement et par le truchement d’abord du professeur Fallou Mbow qui m’a mis au parfum de la journée d’études intitulée « Dynamique du discours électoral en Afrique Subsaharienne » organisée à l’université Houphët-Boigny le 19 février 2021 à laquelle j’ai présenté une communication sur « Discours de campagne électorale au Sénégal ; polémique et persuasion ». C’est à partir de cet instant que mon frère Dr Amadou ADOU a eu l’intuition de m’intégrer dans le groupe de JE Discours Electoral. De fil en aiguille mon implication dans le réseau se concrétisera lors des journées d’études organisées à Abidjan du 03 au 05 juin 2021.
A l’issue de ces journées mon binôme et frère Directeur de la cellule expertise Houessou DORGELES et moi, nous œuvrons à élargir le champ d’expertise du réseau par la signature des conventions, le développement de l’entreprenariat avec les structures privées et publiques sur les questions stratégiques liées aux discours. Nous participons également à la mise en place de la cartographie de l’Analyse du discours en Afrique Subsaharienne. J’ai de plus l’opportunité d’être sollicité par le R2AD pour l’animation d’une conférence sur « La relation contexte, théories et corpus ».
C’est l’occasion ici, de souligner l’efficacité et la pertinence, dans le choix des objectifs du R2AD, de la Présidente la Professeure Danielle Aimée LEZOU-KOFFI.
Je terminerai cette rubrique en disant que mon implication dans le réseau relève aussi d’un pathos vite transformé en reconnaissance lorsque le disciple, que je suis, assiste lors des journées d’études à Abidjan au couronnement de son maître, le professeur Momar CISSE, pour service rendu à l’Université et à cette discipline qui est source de convoitise aujourd’hui et hier objet de critiques.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : Vous l’avez dit, vous êtes de la cellule expertise du R2AD, alors quel regard portez-vous sur l’expertise scientifique africaine aujourd’hui ?
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : Je dirai d’abord que l’expertise diagnostique les problématiques et cherchent les solutions dans un ancrage scientifique fondée sur des approches, des méthodes et des hypothèses ayant pour finalité la prise de décision. Les universités africaines ont compris maintenant que l’expertise doit être collective. C’est pourquoi on note la prolifération des laboratoires scientifiques, des revues spécialisées et des réseaux scientifiques comme le R2AD qui est le fruit de l’inspiration de professeur-e-s bien éclairé-e-s Hilaire Djédjé BOHUI, Danielle Aimée LEZOU-KOFFI, Fallou MBOW et Kalidou SY.
L’expertise se développe de plus en plus du fait de la présence des structures scientifiques qui favorisent la concurrence saine entre les universités dans les classements internationaux afin de favoriser l’amélioration et le suivi des enseignements, de la recherche et de l’entreprenariat.
Le benchmarking, de plus, est une analyse comparative qui vient booster l’engagement des universités africaines pour une atteinte des standards internationaux. Mais pour y arriver, il faut de plus que le vivier des doctorants, la formation continue et la création de partenariats bilatéraux, régionaux et internationaux pour le partage de l’expertise par le truchement des réseaux suivent une courbe ascendante.
Toutefois l’expertise africaine doit prôner une orientation scientifique en parallèle avec les signaux politiques, économiques et culturels du continent afin de participer au rendez-vous du donner et du recevoir du monde scientifique et d’allumer les lustres de l’entreprenariat entre universités et entreprises ou organisations de tout bord.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : Comment avez-vous rencontré l’Analyse du Discours ?
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : La logique de mes travaux scientifiques m’a permis de croiser logiquement l’Analyse du Discours. En effet, mon mémoire de maîtrise porte sur la classification nominale et étude des pronoms personnels. L’objectif est de trouver une certaine relation entre les indices de classes et les indices pronoms personnels en Diola fogny, une langue agglutinante parlée au Sud du Sénégal. Par suite de ce travail, l’idée nous est venue en master d’approfondir la recherche sur le Diola fogny en faisant une esquisse du système verbal afin de montrer comment les changements morphologiques des indices de pronoms participent de la découverte des marques aspectuelles, temporelles et modales en valorisant l’hypothèse selon laquelle le système verbal des langues africaines s’appuie plus sur le comment et moins sur le quand.
Malgré cette découverte, nous avons choisi comme prétexte le postulat des limites du système verbal du Diola analysé au plan strictement linguistique. Les travaux de Stéphane Robert sur l’analyse énonciative du système verbal du wolof nous ont inspiré mais après que nous avions posé la question de départ suivante : les langues sont-elles faites pour être décrites uniquement ou pour ensuite être utilisées dans le discours. C’est là que commence notre « compagnonnage » avec l’analyse du discours d’abord par le biais de ma thèse de doctorat unique intitulée Système verbal : analyse textuelle et énonciative, co-dirigée par deux grands analystes de discours Professeure Momar Cissé (Sénégal) et professeure agrégée Karine Collette (Sherbrooke), où l’objectif est comment est ou peut être pensé, sur le plan théorique, -au-delà des énoncés de principe- l’articulation de l’approche énonciative du système verbal et de la textualité pour le cas particulier de l’étude du Diola fogny. Chemin faisant, nous continuons à naviguer dans le champ du discours en valorisant le contexte, en intégrant dans nos travaux les disciplines connexes utiles à l’interprétation des productions langagières.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : Avant de nous dire votre dernier mot, pourrait-on savoir les lectures qui retiennent votre intérêt en ce moment.
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : Dans ce contexte tendu de la vie politique de mon pays, je me consacre à la lecture d’articles et d’ouvrages portant sur la violence verbale, la haine et la propagande. D’un autre côté je m’intéresse aux travaux sur les méthodologies de recherche et de rédaction scientifique car nous comptons sous peu publié un ouvrage là-dessus afin d’outiller nos étudiants de rudiments qui tiennent compte du contexte dans lequel ils évoluent.
𝓡2𝓐𝓓’𝓒𝓸𝓶 : Votre mot de fin ?
𝐈𝐛𝐫𝐚𝐡𝐢𝐦𝐚 𝐁𝐀 : Merci à la cellule de communication du R2AD pour cette initiative ! Merci aux pionniers du R2AD ! Merci aux membres du R2AD ! Merci aux fidèles lecteurs et lectrices de cette tribune !
Merci Docteur
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