Journée d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’égalité et la justice, le 08 mars consacre un activisme féminin de tous les instants. Dans cette campagne pour une prise de conscience collective, avec vous, le R2AD part à la rencontre des dynamiques et vaillantes femmes de son Bureau. Entretien avec Dr Oueslati Imen.

1 – Présentez-vous à nos lecteurs ? Quel est votre responsabilité au sein du R2AD ? 

Je suis Dr Oueslati Imen. Je suis de nationalité tunisienne. Je suis Maître-assistante en urbanisme à l’Ecole Nationale d’Architecture et d’urbanisme de Tunis. Je suis également chercheure rattachée au Laboratoire Villes Durables et Environnement Construit. Et, depuis 2021, je suis Secrétaire Générale du Réseau Africain d’Analyse du Discours (R2AD).

2 – Que représente pour vous la journée du 08 mars ?

Le 08 mars c’est la journée des droits de la Femme. Cette journée est sensée célébrer les acquis de la Femme et rappeler sa place ainsi que sa contribution importante dans la société. Cependant, au-delà de cette image valorisée et valorisante que cette journée tente de véhiculer pour la Femme ; je me demande si la femme a réellement réussi à atteindre ces acquis au niveau de tous ses droits ? Et puis, pourquoi parle-t-on des droits de la femme de manière spécifique ?  En tant qu’être humain, la femme ne devrait-elle pas jouir normalement et automatiquement de tous les droits universels ? Pourquoi éprouve-t-on le besoin de célébrer une journée pour rappeler la reconnaissance des droits des femmes et exprimer la reconnaissance aux femmes ? N’est-ce pas paradoxal ? Pourquoi célébrer un fait qui revient de droit à une personne ? Ces questions étant rhétoriques, pourraient laisser penser que cette date célébrée chaque année depuis 1977, consiste à mettre en exergue les difficultés et les obstacles qu’ont rencontré et continuent de rencontrer  les femmes pour jouir pleinement de leurs droits émanant de leur statut natif en tant qu’être humain et leur rôle naturel en tant que partie prenante dans la société. En effet, malgré la réussite de la femme dans tous les domaines à l’échelle nationale et mondiale, le 8 mars est un événement qui sert à mettre le point sur les droits réellement acquis de la femme et le reste de ses droits à reconquérir. Cette date pourrait, également, être perçue comme un rappel pour faire le suivi du degré de connaissance, de généralisation et d’application concrète des acquis par toutes les femmes engagées ou pas dans la reconquête de leurs droits.

3 – Quel message aux femmes ?

Ayez confiance en vous, rêvez et concrétisez vos rêves, voyez grand à travers vos compétences et toujours allez de l’avant. Surtout n’hésitez pas à laisser votre trace dans ce monde à travers vos actions dans les différents domaines ; notamment à travers votre comportement et le contenu de l’éducation qui va forger la personnalité et la pensée de vos enfants voire votre entourage. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’agir pour un monde équitable, juste et meilleur pour tous les êtres humains mais aussi pour les générations futures.      

Mais, pour ce faire, ne succombez pas à la tentation de jouer le rôle des victimes sous prétexte de l’emprise culturelle et sociale, autrement vous êtes vos propres victimes parce que votre destin est entre vos mains. Vous montrez une force et une ténacité extrêmes pour subvenir aux besoins de vos proches, puisez de cette force pour vous-mêmes également afin d’améliorer votre situation. Instruisez-vous, cultivez-vous, impliquez-vous dans la vie politique ou engagez-vous dans la société civile pour contribuer concrètement à l’amélioration de votre existence. Enfin aimez-vous et soyez solidaires entre vous, c’est de l’union que nait la force du réel changement.

4 – Si vous deviez nous citer une femme inspirante, ce serait qui ? Et pourquoi ?

Franchement, je suis inspirée par énormément de femmes qui ont marqué l’histoire de l’humanité en générale, l’histoire du monde arabe en particulier et l’histoire de la Tunisie de manière plus précise. Mais, pour répondre à cette question : je vais choisir de parler d’une femme qui s’est imposée sur la scène politique après la révolution du 14 janvier 2011 en Tunisie et qui continue à la marquer jusqu’à nos jours. C’est Mme Abir MOUSSI, la Présidente du Parti destourien libre (PDL) qui est d’ailleurs le seul parti dirigé par une femme en Tunisie. Je précise que même s’il m’arrive de ne pas être d’accord avec certains de ces faits dans le cadre de la vie politique, je ne peux pas m’empêcher d’admirer cette avocate pour son courage, sa confiance en elle-même, sa rationalité et son charisme. Je suis impressionnée par son audace, sa fidélité à ses principes, la lucidité de ses idées et principalement la manière avec laquelle elle use de  la force de sa connaissance des lois et de ses droits pour interagir avec les divers acteurs politiques dans un contexte démocratique en perpétuelle dynamique. Enfin, je suis saisie par sa persévérance pour défendre ce qu’elle croit juste pour le bien de la Tunisie et des tunisiens.

5 – Un coup de cœur ou un coup de gueule en rapport avec la célébration du 08 mars ?

Vous savez, l’histoire de mon pays regorge d’empreintes laissées par plusieurs femmes pour ne citer qu’un exemple, j’évoque celui d’Ellyssa-Didon, fondatrice légendaire et première reine de Carthage. De plus, en Tunisie, nous fêtons doublement la journée de la femme. En effet, bien avant la journée du 8 mars «Journée des Nations Unies pour les droits de la femme et la paix internationale» qui a été déclaré en 1977, nous célébrons déjà à chaque 13 Aout depuis 1956 « la journée de la femme tunisienne ». D’ailleurs, même avant l’indépendance, la question des droits des femmes tunisiennes a fait l’objet de défense fervente par le personnage de « Tahar Hadad » qui a publié, en 1929, son célèbre ouvrage «Notre femme dans la loi et la société». Après lui, Bourguiba, le premier Président de la Tunisie indépendante, a beaucoup misé sur la femme tunisienne, son instruction et son émancipation. Cette vision avant-gardiste et moderniste à l’égard de la femme tunisienne a fait que ces droits n’ont pas cessé d’évoluer en dépit des obstacles d’ordre culturel et social, voire même juridique dans certains cas. Mais malgré cela la femme tunisienne, jusqu’à nos jours, n’a jamais cessé la bataille pour son émancipation. Concrétiser tous les droits de la femme quelque soit son statut social ou son degré d’instruction, nécessite un travail, de longue haleine, sur la conscience collective des sociétés ainsi qu’une implication de la majorité de ses acteurs. Et comme je suis optimiste de nature et que je fais confiance à la sagesse et la raison de l’être humain qui finit toujours par prendre le dessus, je suis certaine qu’un jour la femme, par sa persévérance et sa compétence, finira par reconquérir concrètement tous ces droits. D’ici là, tous les moyens sont bons, y compris l’instrumentalisation de la journée mondiale des femmes du 8 mars pour attirer l’attention du monde entier à réfléchir et à agir par rapport à la question de la femme en général, et à sa place dans la société ente le perçu, le vécu et le du. Donc, pour moi, vu sous cet angle, j’exprime un coup de cœur en rapport avec la célébration du 08 mars.